« Les calculs de côté, l’inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l’esprit. » Jeunesse, Artur Rimbaud

Julio propose un face à face inédit entre Santiago Esses et Julie Joubert, qui présentent leurs derniers travaux autour de l’imaginaire de l’enfance et de l’adolescence.

Ces deux étapes contigües de la vie, dont la limite se floute dans le souvenir, partagent le chiasme entre la vie vécue et ses propres projections, la réalité objective et le fantasme.

Santiago Esses est un artiste éclectique qui se penche depuis le début de sa démarche sur la sculpture, mais aussi bien sur la photographie, la vidéo et l’installation. Il produit du mobilier loufoque avec des chutes de métal, inspiré de la conception déstructurée du groupe Memphis, qui décrit leurs créations comme le résultat d’une succession d’accidents heureux.

Ici Esses présente un lampadaire à trois têtes, qui fait référence aux flamants roses qui animent un des contes de l’écrivain argentin Horacio Quiroga, et une chaise inspirée par les formes zoomorphes de Joan Miró. Les assises, dans sa production, sont conçues pour être utilisées comme vecteurs ou objets médians entre ses images photographique et l’espace de l’installation environnante.

Dans ce contexte, cependant, la chaise véhicule le regard non pas vers des photos de Santiago Esses, mais vers celles de la série intitulée MIDO par Julie Joubert.

Mido est un des nicknames de Ahmed, garçon marocain demandeur d’asile, que Julie Joubert a rencontré en 2017 dans un centre de réinsertion pour mineurs.

Le patchwork d’images prises à l’aide de différents médiums rend synthétiquement lisible à l’œil les différentes facettes de la personnalité du jeune, de façon à en composer un portrait intime et implacable.

Il se rêve mannequin, mais passe son temps à entrer et sortir de prison, piégé dans ce hiatus entre ce qu’il désire être et sa vie, l’alcool, la réclusion.

Les images léchées, prises avec un boitier numérique hd, empruntent les codes de la photo de mode, tandis que celles prises avec le flash d’un appareil jetable sont saisies sur le vif, l’agitation de l’image traduit donc celle de l’existence du jeune homme. Mais Ahmed n’est pas que l’objet des images, il participe en prenant des photos de son quotidien en détention. L’image se fait au fur et à mesure plus détériorée, moins lisible, à l’instar de sa trajectoire de vie.

Lorenza Brandodoro, Paris 2021