Assemblage #6

Le dégel

Cette exposition naît de la rencontre à Buenos Aires, de deux artistes, Ivana Brenner, argentine résidant actuellement à Chicago et Amy Stephens, artiste londonienne. Toutes deux se sont reconnu un désir d’explorer les limites entre les deux dimensions et le volume. Dans leurs propositions, il y a une volonté de repousser les marges des catégories comme la photo ou la peinture, afin de construire des sculptures qui se répondent souvent en opposition formelle. Dans ce champ de correspondances, émergent tels des icebergs, des relations fluctuantes et inattendues entre leurs objets.

Amy Stephens travaille à partir des photographies des glaciers du sud de l’Argentine (El Calafate). L’image bidimensionnelle, le cadre sont le squelette à partir duquel se construit l’objet dans l’espace. Elle utilise des matériaux architecturaux et industriels. Parfois, elle inclue des éléments naturels, par exemple un échantillon d’obsidienne de la Patagonie comme témoin du territoire de son dialogue avec Brenner.

Ivana Brenner explore les intersections entre la peinture et la sculpture. Elle veut solidifier la peinture, figer un état de sa qualité fluide, la détacher de son support pour la rendre matière organique. Elle cherche à lui donner un corps sensuel en dévoilant ses processus de transformation. Cette fascination pour les changements d’état de la matière est à l’origine de sa pratique de la céramique.

Les sculptures de Stephens répètent les formes géographiques existantes en entrelaçant l’organique et l’industriel. Elles évoquent la mémoire du minéral comme métaphore de la mémoire de la trace de l’homme. Le spectateur est invité à reconsidérer ces matériaux familiers composants de son environnement urbain.

Brenner recompose un système naturel en créant des installations prolifératives. Elle croit à un «retour au corps» et utilise pour cela des matériaux malléables qu’elle modèle à la main.

Par l’évocation de la fonte régulière des glaciers, par l’utilisation de la nature fluide de la matière, par l’aller-retour entre les appropriations des matériaux industriels et ceux issus du naturel, toutes deux nous parlent d’un changement constant. Comme dans le dégel, le glacier se transforme perpétuellement, laissant apparaître sous la glace, des proliférations de vie organique. Stephens et Brenner nous donnent à voir la fragilité d’une nature toujours mouvante et nous suggèrent un autre lien: celui qui va de notre corps à l’espace qu’il habite.

 

Space in Progress, mai 2017