Maraña est un mot espagnol qui désigne un enchevêtrement de fils, un nœud multiforme très difficile à défaire. Mais aussi une affaire qui peut devenir un embroglio ingérable.

Tiago de Abreu Pinto, curateur de cette exposition, s’est proposé de tirer les fils de cette maraña qui est le processus de pensée du travail des artistes ici présents, Camila Farina et Jordi Mitjà, en composant un texte d’ordre fictionnel qui déroule et démêle cette intrigue.

Ce texte a pris la forme d’un carnet, le narrateur nous introduit à la pensée des  artistes à partir de la phrase : « Justo en ese momento estaba pensando. Que… » ( « Justement, en ce moment je pensais à…. »)

…Camila Farina, qui en ce moment même cherchait «l’immédiateté de l’esquisse. Dans une mise en rapport du dessin avec un certain état d’esprit, son lien avec un certain état psychologique, quelque chose de l’ordre de la pensée. Les dessins des lapins avaient été travaillés à partir de superpositions de couches de calque. Au début l’idée était justement de réfléchir au « pentimento » dans le dessin mais d’une façon très échafaudée (jouant sur le concept d’ajout, et non pas sur l’idée de cacher, suivant la tradition de l’esquisse moderne) et cela c’était intéressant car au fur et à mesure du déroulement de cette série, elle a réalisé qu’au lieu de faire un dessin repentant, il a surgit un dessin animé. »

Les images de Camila Farina utilisent souvent le dédoublement et la répétition révélant un état d’inaboutissement et se trouvent à l’aise dans un mode combinatoire. Les encastrements des objets du quotidien, ou des profils tracés de façon presque automatique sont utilisés comme des signes qui favorisent la fluidité du tracé.

Jordi Mitjà, artiste catalan, trouve ses sources dans des matériaux de la vie quotidienne que l’artiste compile en continu. Son travail est formellement hétérogène, Jordi Mitjà recueille des expériences, des images, invente des situations, enquête, archive, et propose des actions pour examiner les réactions humaines les plus simples, face à des situations imprévues.

« Justement, en ce moment… »
« … Jordi avait commencé à tisser une corde. Et, cela était en lien à sa trajectoire ou, lié à la trajectoire comprise dans son sens le plus large: une trajectoire physique, celle des corps, de la physique (et de notre physique) et à l’abstraction (…)
Nous soulignons, (répétons) que, en 2021, il avait commencé à tisser une corde. l l’a fait avec tous les morceaux de corde de l’atelier et il a aussi réalisé un petit enchevêtrement de ficelles.
Il ne savait pas pourquoi il avait a commencé à tisser cette corde avec des morceaux d’autres cordes. Mais il n’avait aucune raison d’arrêter. Il a continué à assembler les morceaux de fils dans l’atelier. Peut-être que la corde était apparue dans sa vie parce que en travaillant avec les réseaux, il avait découvert une grande corde périphérique qui reliait structurellement chacune de ses parties. »

Maraña designe aussi un réseau immatériel, d’une complexité supérieure à notre entendement.

La balle bondit dans le camp de chacun de ses deux artistes, en laissant des traces, à la manière dont Jordi Mitjà entend ses peintures, réalisées par les impacts d’éléments dans des surfaces, ou selon les différentes possibilités d’existence d’une silhouette, révélées dans les dessins de Camila Farina ; comme si l’irruption du banal quotidien servait comme registre de pensée toujours mouvante en réaction avec l’environnement dans toute sa complexité.

Tiago de Abreu Pinto